La mort me va si bien

Miou-Miou – Sylvette Herry

Thème : « Comme Victor Hugo dans « les tables tournantes de Jersey » vous communiquez avec l’au-delà et rencontrez une personne célèbre décédée. Racontez et laissez libre court à votre imagination.. » – 1h

Je me réveille, j’ouvre les yeux. Mon cœur s’emballe ! Où suis-je ? Je ne reconnais pas l’endroit.

Je suis dans une pièce blanche, sans meuble, uniquement une sorte de lit sur lequel je suis allongé, un matelas qui prend ma forme, fait dans une matière douce et fraîche, lisse et sans drap. Il y a aussi une porte, au milieu du mur opposé au lit. Le sol est blanc lui aussi, lisse.

Je suis nu et je ne reconnais plus mon corps. C’est le corps d’un homme jeune, de 25 ans peut-être. Je touche mon visage, il est lisse. Pas de rides, la peau est ferme, que se passe-t-il !

Mon cœur bat la chamade, je ne comprends pas. Je me pince, je ne rêve pas. Hier, quand je me suis endormi, je venais de fêter mes 93 ans avec tous mes enfants et mes petits enfants. Ils étaient tous venus, il savait que je ne vivrai plus très longtemps. Le cœur usé, le désir de vivre n’y est plus. J’ai bien vécu, il est temps de faire une fin.

Je ne crois pas à toutes ces conneries de l’au-delà. Mais que se passe-t-il ?

Je me lève, mon cœur se calme un peu, et mes jambes ne tremblent pas. Pas besoin d’aide pour me déplacer, j’arrive à la porte. Il n’y a pas de clenche mais une sorte de bouton. J’appuie dessus et la porte disparait.

J’arrive dans un couloir. À droite comme à gauche, il semble très long. À gauche le fond semble infini mais à droite je vois de la lumière. Je me dirige vers la droite.

C’est plus long que je ne l’imaginais. Cela fait plus de dix minutes que je marche dans ce couloir, à poil, et il n’y a personne.

J’appelle mais personne ne me répond. J’essaie d’ouvrir une porte, impossible de l’ouvrir. J’essaie une autre, puis encore une autre, mais aucune ne s’ouvrent.

Je continue d’avancer, le sol est blanc lui aussi, comme les murs et son contact est agréable. Il est doux comme un tapis, mais lisse et souple.

J’avance encore. Finalement, j’arrive à la fin du couloir. Plus que quelques mètres et je débouche dans une immense salle.

Et là je les vois, je les entends.

Cette salle est comme un immense réfectoire, il y a des milliers de personnes assises devant des tables en train de déjeuner. Toutes les dizaines de table, il y a une sorte de machine distributrice de nourriture. Cela me rappelle les buffets des ferries entre Stockholm et Helsinki. Les gens se lèvent et vont chercher leurs boissons et leurs plats et retournent ensuite à leur table.

Je m’aperçois que j’ai faim. J’ai oublié que j’étais nu mais en regardant les autres convives, je vois qu’ils le sont tous aussi. Des femmes et des hommes jeunes, entre 25 à 30 ans.

Je vais vers une des machines à nourriture et je prends un plateau. Je prends un verre que je remplis du breuvage mis à disposition et une assiette avec un assortiment de nourritures inconnues.

Il y a une place disponible à une des tables proches et je demande si elle est libre. La femme située à gauche de cette place me répond que oui.

C’est à ce moment-là que je m’aperçois qu’elle ressemble étrangement à Miou-Miou, quand elle joue dans « Les valseuses ». J’aimais beaucoup cette actrice quand j’étais jeune, nous avions le même âge. Je la trouvais, si douce si tendre et j’en étais amoureux. Elle est morte il y a quelques années, presque oubliée.

J’engage la conversation avec ma voisine de gauche.
– Vous ressemblez beaucoup à Miou-Miou !
– C’est moi, me répondit-elle.
– Mais vous êtes morte !
– Vous aussi, dit-elle, en éclatant de rire, avec son rire si naturel, si authentique, si éclatant.

J’allais lui dire que j’étais amoureux d’elle, mais à ce moment-là mon réveil a sonné.

Putain de réalité ! J’appelle l’aide-soignante pour qu’elle m’aide à me lever. Elle tarde à venir. Elle doit être en train de regarder son smartphone avec ses écouteurs vissés dans les oreilles. Aucune conscience professionnelle ! Les jeunes de maintenant sont incapables de faire correctement leur boulot !

J’essaie de me lever et soudain je ressens une violente douleur dans la poitrine. Ma vision se trouble, mes oreilles bourdonnent, je n’arrive plus à bouger ni respirer.

Je ne vois plus rien, je n’entends plus rien, mais je suis en paix.
Enfin !
La mort me va si bien.