Agression en gare du musée d’Orsay

Gare du musée d’Orsay, RER C Transilien SNCF

Atelier du Hérisson du 4 octobre 2023
Thème : Écrire la même histoire vécue par 3 personnages différents mais selon des points de vue différents.

Exemple:
Il est 18 heures en ce lundi de septembre. Sur le quai de Gare, Edgard, 62 ans, cadre supérieur en fin de carrière s’apprête à monter dans son train pour rentrer chez lui où sa femme et son fils l’attendent pour fêter son anniversaire. La foule est dense. Les trains s’enchaînent et la fatigue fait perdre toute vigilance aux travailleurs pressés de rentrer chez eux. Quand soudain, un jeune rappeur jogging et sweat shirt flashy surgissant de nulle part, se précipite sur le vieil homme pour lui arracher la sacoche qu’il porte négligemment sur l’épaule gauche.

Ingrid et Gertrude, toutes deux jumelles de 81 ans, stationnées à deux pas d’Edgard, voit le malotru passer devant elles. En aussi peu de temps qu’il n’en faut pour le dire, elles attrapent chacune leur canne et d’un geste solidaire la positionne devant elles, de telle façon qu’il se prend les pieds dedans et s’étale de tout son long sur le sol.

Sonné, il ne bouge plus. Edgard arrive en vociférant. Au loin, le chef de gare prend connaissance de la situation et ne tarde pas à venir interroger chaque protagoniste.

A vous de raconter la suite de l’histoire à travers 3 points de vue différents : le volé, les jumelles, mais aussi la foule, à travers un personnage que vous inventez et qui va témoigner.

Vous pouvez aussi relater une histoire vécue ou inventée qui vous a permis de confronter plusieurs interprétations

1 h d’écriture.

Déposition de Monsieur Edgar Tabagnols, ingénieur électronicien, gare du musée d’Orsay, lundi 11 septembre 2023 à 18h45.

J’attendais le RER de 18h05 pour Chaville-Vélizy sur le quai numéro Un. Il y avait beaucoup de monde ce vendredi dans la station parce qu’il y a eu un incident sur la ligne et plusieurs trains ne sont pas passés. C’est habituel sur cette ligne C, on paye cher et le réseau SNCF n’est pas entretenu pour autant. C’est infernal !

J’étais derrière la ligne de sécurité et j’avoue, je pensais à mon fils. C’est mon anniversaire aujourd’hui et je pense qu’il a prévu une surprise pour moi. Ma femme, elle va encore m’offrir une cravate comme toutes les années précédentes ! Mais avec Mathieu qui a beaucoup d’imagination, je n’ai aucune idée de ce qu’il a prévu ! Bref, j’étais dans mon monde intérieur, quand brutalement j’ai senti que l’on m’arrachait mon sac !

J’ai failli tomber et je me suis rattrapé sur l’épaule de mon voisin de gauche qui m’a regardé d’un air méchant et m’a engueulé ! Il n’avait pas vu ce qu’il venait de m’arriver. J’ai entraperçu quelqu’un s’éloigner en courant. Il portait un sweat-shirt de couleur vive et j’ai entendu presque immédiatement un boum sourd, comme le bruit d’un corps qui s’étale par terre. Je me suis dirigé immédiatement dans sa direction en criant au voleur, au voleur et j’ai vu l’individu au sweat-shirt flashy et recroquevillé par terre, complètement sonné.

Il y avait deux petites vieilles qui lui tapaient dessus avec leur canne. C’est à ce moment-là qu’un homme uniforme de la SNCF s’est avancé vers nous en écartant la foule. Il a dit être le chef de gare et nous a imposé de rester sur place. Il avait appelé la police du rail qui devait arriver par le prochain train. Il avait tout vu disait-il sur ses écrans de contrôle.

Voilà, c’est tout ce que je peux vous dire Monsieur le commissaire. Il n’y avait rien de valeur dans mon sac, juste la boîte Tupperware dans laquelle ma femme me prépare mon repas du midi et quelques schémas électroniques du boulot sans grande importance. Ce qui compte le plus pour moi, c’est ma sacoche en cuir que j’ai depuis plus de 30 ans et que mon père m’avait offert quand je suis devenu ingénieur. Est-ce que je peux la récupérer maintenant, ma femme et mon fils m’attendent à la maison et ils doivent commencer à s’inquiéter de mon retard.

Déposition de Mlle Ingrid Durdelafeuille accompagnée de sa sœur Mlle Gertrude Durdelafeuille, rentières, gare du musée d’Orsay, lundi 11 septembre 2023 à 19h15.

Vous savez Monsieur le commissaire, nous sommes depuis toujours extrêmement vigilantes quand il y a des hommes autour de nous. Sauf votre respect, monsieur commissaire, nous savons bien que cette engeance ne peut que nous nuire à nous, les femmes. Nous étions donc extrêmement attentives et nous avons repéré ce jeune malotru habillé de cette horrible sweat à capuche de couleur bigarré. S’il voulait passer inaperçu c’était vraiment raté !

On voyait bien que c’était un mauvais garçon. Avec son teint bronzé, et son regard de voyou, pas besoin de se demander d’où elle venait cette racaille !. Le karcher, Monsieur le commissaire, le karcher qu’il faudrait passer comme le disait notre bon et regretté président Sarkozy. Nous l’avions repéré toutes les deux de loin et nous étions sur nos gardes. Lorsqu’il a commencé à se déplacer à toute vitesse dans la foule agglutinée sur le quai, nous avons tout de suite compris qui se dirigeait vers ce pauvre monsieur qui semblait fatigué et qui était totalement inattentif.

Il avait une jolie sacoche en cuir de marque, qui devait contenir certainement de la valeur. Le gredin s’en est emparé en l’arrachant à l’épaule de ce pauvre monsieur. Comme le voleur se précipitait vers nous, Gertrude et moi, comme nous l’avons appris dans notre groupe de self-défense des Amazones de Versailles, nous lui avons barré le passage avec nos cannes croisées au niveau de ses mollets !

Et patatras, ce brigand s’est étalé de tout son long et comme il tenait le sac arraché dans ses bras il n’a pas pu se protéger avec les mains dans sa chute et sa tête a heurté lourdement le quai. Bien fait pour lui ! Le pauvre monsieur est arrivé en criant au voleur et c’est à ce moment-là que les employés de la gare sont arrivés.

Voilà Monsieur le commissaire, vous avez maintenant notre déposition commune. Est-ce que nous pouvons partir ? Nous allons être en retard et Jean-Alfred notre majordome va follement s’inquiéter de notre absence.

Déposition de Monsieur Daniel Konnbendi, sans emploi, gare du musée d’Orsay, lundi 11 septembre 2023 à 19h45.

Les services publics, c’est vraiment la pagaille. Tout pour les riches qui roulent en SUV et rien pour les travailleurs ! Ce RER C c’est vraiment la plaie avec ses retards quasi permanents. Remarquez, si je n’ai pas de travail en ce moment, c’est bien parce que je ne peux jamais arriver à l’heure, si bien que je me fais virer à chaque fois à cause de tous les retards accumulés ! Mais pour les patrons ce n’est jamais la SNCF la responsable !

Moi ce que j’ai vu, c’est un jeune se faire agresser par deux vieilles biques qui lui tapaient dessus avec des bâtons de combat, et pas de cannes comme elles disent ! Oui monsieur, des bâtons de combat et elles insultaient le pauvre jeune, le traitant de de sale immigré, de voleur et de violeur, de plaie de l’humanité ! Prends le bateau et retourne chez toi qu’elle disait ces harpies !

Le pauvre ne bougeait plus, étalé par terre, recroquevillé les bras sur la tête pour se protéger. Heureusement que des employés de la gare sont arrivés rapidement, sinon je ne suis pas sûr qu’il aurait survécu, ce jeune. Nous les jeunes, c’est sans arrêt que nous sommes victimes de ces vieux riches, c’est chaque fois la même chose, le délit de sale jeune, quoi !

Je suis sûr que ces vioques n’ont jamais été jeunes. Elles ne savent pas ce que c’est que de vivre avec trois euros par jour, trois francs six sous qu’elles diraient ces horribles succubes sans savoir ce que cela représente ! Pour avoir un téléphone portable correct, c’est mille boules. Faut bien qu’on se débrouille pour en avoir un, nous autres. Ce jeune je pense qu’il voulait juste avoir le droit d’être moderne et d’être connecté à Internet pour sa recherche d’emploi en taxant un peu un riche ! Vous avez vu la belle sacoche Louis Vuitton de ce vieux, au moins 3 ou 4 mille boules !

C’est bon je peux partir maintenant, je dois rejoindre mes potes du squat de la rue de Viroflay à Chaville, il y a une rave ce soir dans le bois.