Notre passé de chasseurs cueilleurs est-il toujours dans notre ADN ?
Cette réflexion m’est venue après la construction d’un fourgon aménagé à partir d’une remorque bagagère afin de pouvoir circuler en Europe sans avoir trop de contacts physiques avec la population pendant la pandémie du Covid.
La vie en camping-car, fourgon ou van aménagé semble faire plein de nouveaux adeptes, une véritable explosion si l’on en croit les chiffres de ventes de ce type de véhicules depuis les deux dernières années.
Le prix des campings cars neufs limite leur usage aux personnes ayant de bons – à très bons – moyens financiers, ne serait-ce que par la nécessité d’avoir en plus un autre véhicule pour se déplacer hors vacances. La taille de ces appartements roulants n’est pas franchement compatible avec le stationnement en ville.
Ils sont comparables aux bateaux ventouses stationnés dans les ports de plaisance, dont l’usage annuel ne dépasse pas quelques jours. Ce sont des achats non-rentables pour le commun des mortels !
La deuxième catégorie importante de camping-caristes est celle des retraités aisés qui partent sur les routes d’Europe plusieurs mois dans l’année, comme les anciens retraités caravaniers des années 70, mais version 2.0, le nomadisme bon genre aisé chevillé au corps.
Mes parents, enseignants et éternels nomades caravaniers, partaient en vadrouille pendant toutes les vacances scolaires – trois bons mois par an ! Ils ont continué leur nomadisme après leur départ à la retraite et jusqu’à un âge avancé.
Je ne regrette pas cette vie, mais curieusement, adulte, pourtant toujours campeur devant l’Éternel, j’ai commis le parjure d’acheter une résidence secondaire à 34 ans, ce qui m’a finalement immobilisé tous les étés en Occitanie. Et de manière tout aussi contradictoire, mes filles qui ne quittaient pas la France l’été à cause de moi, ont toutes la fibre nomade ! 😜
Ce qui est aussi nouveau, en partie parce que les camping-cars ont tendance à être nombreux et envahissants dans leur habitude de ventouse inamovible, c’est l’arrivée d’une récente catégorie de nomades plus discrets et surtout moins friqués et adaptés à contrecarrer les nouvelles interdictions de stationnement prises par des communes : les fourgons aménagés et plus récemment et plus petits, les vans aménagés.
La transformation d’utilitaires usagés en résidence temporaire ou permanente traduit surtout une paupérisation de la société et un nomadisme rendu indispensable dans la recherche de boulots souvent saisonniers et régionaux. Mais il y a aussi le choix d’un autre mode de vie.
Ce phénomène existe depuis de nombreuses années aux USA. Dans des films américains, tel « Independance Day », nous découvrons qu’il existe une population nombreuse de nomades, des saisonniers marginaux qui vivent à l’année dans leur camping-car. Et ce phénomène est en train de se développer en France.
Le van, moins haut, permet de se garer là où les barrières de hauteur « anti-gitans » ou « anti-camping-cars » sont installées. Mais dans ces vans, il n’y a pas la possibilité de vivre debout, ce qui n’est pas idéal pour faire sa toilette ou la cuisine quand les conditions climatiques ne permettent pas de vivre dehors. C’est pourtant le choix, le mode de vie des adeptes de la « VanLife »…
J’ai l’exemple personnel d’une de mes filles qui, avec sa copine au début de la pandémie, ont sous-loué leur appartement, acheté un vieux fourgon à peine aménagé et vivent de woofing, d’eau fraîche et des aides de l’État. Nomades, entre les périodes woofing, elles parcourent les sites d’escalade du sud de la France. Un mode de vie au jour le jour, de nouveaux lieux, des nouvelles rencontres. Vivre, sans trop de contraintes.
Avec mon nouveau statut d’aménageur amateur de fourgon, je me suis inscrit par curiosité dans des groupes Facebook qui y sont consacrés. Tout d’abord, je vous explique mon choix d’avoir préféré créer une mini-caravane plutôt que d’aménager un fourgon ou un van.
Dans les années 70, j’ai aménagé une 2CV camionnette jaune des « PTT », rachetée aux Domaines, en un mini camping-car. Je suis même arrivé à y mettre un lit pour deux personnes, nécessaire à cette époque post-soixante-huitarde de liberté sexuelle 😜. Mais depuis, hélas, quelques années ont passé, et la souplesse de ma colonne vertébrale m’oblige désormais à disposer d’au moins 1,90m sous barrot la plupart du temps.
L’achat d’un deuxième véhicule et son assurance étant injustifiable avec mon niveau de retraite dans le cas de l’utilisation temporaire d’un habitat mobile seulement quelques semaines dans l’année, m’a conduit à réfléchir à l’ancienne solution des caravanes, déjà vécue pendant toute mon enfance et adolescence avec mes parents.
L’ennui, c’est qu’habiter dans une caravane, ce n’est pas discret en ville et l’arrêt nocturne en camping est la seule solution possible, à moins de faire partie des gens du voyage et d’envahir en groupe un parking. Une nuit au camping tous les jours, cela fini par faire un sacré budget, notamment dans certains pays européens !
J’ai zoné sur la toile et j’ai vu qu’il existait des mini-caravane, assez basses, conçues initialement à usage de surfeurs ou des grimpeurs et qui peuvent se garer sans problème dans des parkings à hauteur limitée. Mais ces merveilles d’ingéniosité sont hélas hors de prix et difficiles à importer en France.
Ne me restait plus que l’option de créer ma chose personnelle. J’ai donc recherché dans la catégorie des remorques bagagères de plus de 1,90m sous barrot et suis tombé sur un fourgon aux allures de van à chevaux, mais destiné à des transports plus léger, haillon arrière et porte latérale comprise. J’ai choisi l’option parois en contreplaqué plutôt qu’en aluminium qui est un trop bon conducteur de la chaleur.
Il ne me restait plus qu’à !
D’abord bien isoler, ajouter un lavabo et des éléments de cuisine, un système électrique autonome avec deux panneaux solaires, un hublot de pont discret sur le toit, un réservoir souple pour l’eau propre et un réservoir d’eau grise, un WC sec et un lit une place confortable. Mais également la possibilité de démonter une partie des éléments encombrants pour pouvoir l’utiliser le reste de l’année, comme… un vrai fourgon.
Deux mois plus tard, j’ai traversé la France, dormi dans des parkings de centre-ville à Orléans et à Lille sans avoir de contraventions de la maréchaussée, traversé la Belgique, la Hollande, l’Allemagne, le Danemark, la Suède et séjourné en Finlande sans aucunes contraintes. Les pays nordiques sont d’ailleurs beaucoup plus tolérants avec le camping sauvage, même en ville, à condition de ne pas rejeter des eaux usées et de laisser des ordures.
Je ne suis allé dans aucune aire aménagée pour camping-car pendant mon périple aller-retour France-Finlande, j’ai toujours dormi en centre ville, même dans la capitale d’Helsinki sans aucun problème avec juste une évidente découverte. Il est préférable de se garer la nuit sur les parkings de recharge des Tesla qui sont surveillés et calmes (pour les riches), que de choisir ceux des stations services ouvertes la nuit et qui vendent plus ou moins légalement de l’alcool. Les jeunes qui s’amusent à faire des ronds de pneus avec leurs motos ou leurs voitures la nuit à deux heures du matin, ce n’est pas top pour le sommeil 😉
Comme j’ai vu énormément de fourgons aménagés et de vieux camping-cars pendant ce périple, nettement plus qu’en 2019, j’ai de retour commencé ma recherche sur Facebook des groupes « aménageur de fourgons » pour découvrir qui sont ces drôles d’adeptes..
Surprise !
Dans ces groupes, beaucoup de femmes, certaines seules, sans compétences en mécanique, en bricolage ni en électricité, souvent écolos mais qui achètent pourtant de vieux fourgons au moteur diesel très pollueur pour y vivre à l’année ! Les hommes sont aussi du même style, mais plus orienté vers un usage temporaire (vacances). Ils sont tous plein d’illusions et d’idées préconçues sans expérience de vie à la dure et s’imagine pouvoir obtenir le même confort qu’en appartement !
Panneaux solaires, douche chaude, micro-ondes, frigo, TV, ordinateurs, appareils électriques divers et variés sont les préoccupations principales de ces nomades en herbe qui veulent être autonomes en famille. J’ai du mal à essuyer mes larmes de rire. Ils ne sont jamais partis camper pendant un mois en nomade avec un unique sac à dos, à pieds et accompagné d’un enfant. On apprend vite à découvrir ce qui est essentiel pour vivre – ou survivre.
Pourtant la décroissance, chère à certains de ces curieux personnages, c’est forcément aussi la décroissance du mode de vie, avec moins d’énergie, moins d’internet, moins de Facebook, moins d’eau, moins de chaleur et moins de réfrigération. Comment pouvaient faire nos parents ou nos grands-parents pour survivre au XXe siaècle ? Ces nouveaux cheminots 2.0, MDR ! 🤣
Mais ce qui m’est apparu évident concernant toutes ces personnes, c’est leur désir de vivre pour eux-mêmes, de voir le monde sans contraintes, sans se fixer, et de pouvoir migrer au gré des saisons et des envies de découvertes ou de rencontres, une certaine façon de fuir un monde sans espoir. Peut être un retour atavique à un mode de vie ancestral, le pasteur sédentaire redevenant un nomade chasseur-cueilleur – en télétravail ?
P.S. J’ai lu récemment un article scientifique qui analysait les différences dans le génome des populations de chasseurs-cueilleurs et celles des pasteurs. En Asie par exemple, la comparaison l’ADN de certaines ethnies actuelles indique des différences très remarquables, la sédentarisation ayant été beaucoup plus tardive qu’en Europe (-4000 vs -8000).