Atelier du Hérisson du 23 mars 2022
Thème : ?
Nous sommes aujourd’hui mercredi 23 mars 2022, au milieu de l’après-midi.
Je me promène souvent sur cette plage de Gironde. J’aime sentir mes pas s’imprimer dans le sable si fin de l’estuaire et sentir cet air aux odeurs multiples, marines et fluviales mélangées, si caractéristiques de cet endroit magnifique.
Depuis l’étrange disparition de mon mari le mois dernier sur cette plage, il aimait lui aussi particulièrement cet endroit, j’y reviens presque tous les jours. Je ne sais pas pourquoi. C’est comme si une force inconnue m’imposait d’y retourner, l’espoir inconscient peut être d’y retrouver le seul amour de ma vie.
Mais aujourd’hui, en marchant près de la rive, j’ai ressenti comme un souffle étrange alors qu’il n’y avait pas de vent. Je me suis arrêtée et me suis retournée. Et je n’ai plus vu mes traces de pas ! Il y a bien sûr d’autres empreintes mais les miennes ont disparu.
J’ai avancé de nouveau mais aucun de mes pas n’a marqué le sable, comme si j’étais devenu un fantôme ! J’ai beau sauter, courir, plus rien n’apparaît derrière moi. C’est comme si je n’existais plus. Un frisson me fait trembler des pieds à la tête.
Et si ce qui m’arrive aujourd’hui était la même chose qui avait fait disparaître mon mari ? Il faut que je me calme, que je réfléchisse.
Je vois devant moi le petit monticule qui délimite la fin de la plage. Je me dirige vers lui comme à mon arrivée. La mairie y a fait installer un banc l’année dernière ce qui permet d’admirer sans effort l’estuaire à l’ombre d’un vieux pin maritime.
Mais le banc n’est plus là, il a disparu. Il y a une pierre avec un mot dessous à la place. Il est un peu délavé comme s’il était resté sous la pluie depuis longtemps. Avant de commencer ma balade sur la plage tout à l’heure, je me suis assise quelques minutes sur ce banc maintenant envolé et il n’y avait pas cette pierre. Je deviens folle !
Je reconnais l’écriture d’Alex, avec ses pattes de mouches alambiquées si caractéristiques. Il est daté du jour de sa disparition. Je n’arrive pas à bien tout déchiffrer. Ce n’est jamais facile d’habitude, mais là avec l’écriture délavée, c’est presque aussi difficile que si c’était des hiéroglyphes !
Mon mari est physicien-chercheur à l’université de Bordeaux, spécialisé en physique quantique. Je ne comprends pas grand-chose quand il essaie de m’enseigner les concepts de cette physique étrange et son texte laissé sous la pierre n’est pas plus clair que ses explications habituelles.
Je crois qu’il suppose qu’il y a, à un endroit précis du rivage, un point commun entre deux univers qui engendre une anomalie quantique dans le nôtre. Comme le chat de Schrödinger qui peut être à la fois mort et vivant, Alex pense qu’il est maintenant à la fois immatériel dans notre univers et invisible mais vivant et matériel dans un univers parallèle !
Et je viens moi aussi de tomber dans ce terrible piège. J’ai quitté notre monde. Mais où suis-je ?
Mon mari explique à la fin du mot qu’il l’a laissé sous la pierre vouloir aider les futures victimes. Il promet de revenir à cet endroit tous les mercredis à 20h et précise qu’il a réussi depuis son arrivée à prendre contact avec les êtres étranges de cet univers. Ils sont difficiles à comprendre d’après lui et très différents de nous car ils ne communiquent que par écrit, dans une langue étrange.
Mon cœur se calme. Je n’ai plus que quelques heures à attendre pour enfin retrouver mon mari.