Atelier du Hérisson du 20 sept. 2023 – part. 2
Thème : Votre meilleure ou pire rentrée scolaire ?
Si il y a bien une rentrée scolaire qui a été pour moi comme une déclaration d’indépendance, c’est bien celle de mon entrée en 6e. Fils d’instituteurs, si j’ai pu profiter des longues vacances culturelles avec mes parents, j’ai aussi subi la présence permanente de mon père H24 depuis le CP jusqu’au CM2. Pendant toute ma scolarité du primaire j’ai étudié dans l’école de garçons où travaillait mon géniteur.
Dur de ne pouvoir faire une quelconque connerie sans que l’information n’aboutisse à ses oreilles. Le plus terrible ça a été l’année de ma rentrée en CM1. J’étais dans sa classe ! Mon père, pour ne pas paraître me favoriser par rapport aux autres élèves, était très sévère avec moi, ce que je trouvais profondément injuste. Mais tous les élèves de la classe me considéraient quand même comme le chouchou de son papa, si bien que j’étais finalement harcelé des deux côtés.
Heureusement j’avais un « grand frère », un voisin dont la mère comme la mienne était instit à l’école primaire de filles. À cette époque, les écoles et les classes n’étaient pas mixtes. Nos familles habitaient dans un bâtiment adjoint à l’école des filles en face de l’école de garçons, les instituteurs et institutrices y avait des appartements réservés.
Antoine, plus âgé d’un an, était scolarisé une classe au-dessus de la mienne, mais nous avions l’habitude de jouer le soir ensemble dans la cour de récré de l’école de fille, après la fermeture de l’école bien sûr, quand toutes les élèves étaient parties. Mon grand frère était assez grand pour son âge et j’étais moi-même plutôt rachitique à cette époque. Je dois dire qu’il m’a souvent sauvé de la vindicte des autres élèves de ma classe pendant nos récrés.
Mais revenons maintenant à cette rentrée et au bonheur d’être enfin libéré de mes géniteurs.
Je suis rentré en 6e au lycée François 1er du Havre. À l’époque certains lycée avait des classes continue de la 6e jusqu’au bac et même si la cour des grands n’était pas commune avec celle des collégiens nous nous croisions souvent dans les couloirs et les étages. Les seuls cerbères étaient les pions, mais ils étaient trop occupés avec les «grands» pour s’intéresser de près aux conneries des petits de 6e.
J’ai vécu cette année scolaire comme la découverte d’un univers où tout devenait possible à condition d’être assez malin pour ne pas se faire pincer. Il y avait bien sûr le fameux carnet de liaison qui devait être consulté et signé par les parents en cas de dérapage. Mais je vais vous raconter une histoire que je n’ai jamais raconté à ma sœur aînée.
Mon père dans sa classe de CM1 distribuait des bons points. C’était courant à cette époque comme méthode pour encourager les élèves. Avec dix bons points, l’élève les échangeait contre une image. Pour en garantir l’authenticité, mon père apposait sa signature au dos de l’image. Avec dix images, soit cent bons points, il était possible de les échanger contre un petit livre au choix, acheté à cet effet.
Mon père achetait lui-même les planches d’images qu’il découpait et signait. Ma sœur et moi avions également nos propres planches d’images à la maison, offertes par nos parents lors de diverses occasions. Ma sœur et moi nous procédions souvent à des échanges en fonction des sujets qui nous intéressaient plus particulièrement.
À l’époque où j’étais en CM1 dans la classe de mon père, je suis tombé émerveillé devant une image de T-Rex que ma sœur avait eu sur une de ses planches. Je lui ai demandé si elle voulait l’échanger avec une image superbe de lion que j’avais en double mais elle a refusé catégoriquement, non par intérêt pour le T-Rex, mais simplement pour me faire bisquer !
Le lendemain, c’était un samedi et ma sœur est partie à son cours de piano. Je suis allé lui piquer discrètement son T-Rex dans sa boîte à images. J’étais assez doué pour le dessin et notamment pour la calligraphie. Il m’est donc apparu évident qu’il fallait que j’imite la signature de mon père au dos de son image pour éviter toute contestation ultérieure si elle découvrait mon forfait.
Évidemment quelques jours plus tard, ma sœur s’est rendu compte que son T-Rex avait disparu et cette détective en herbe l’a retrouvée bien sûr dans ma boîte à images ! J’ai immédiatement été traîné manu militari par ma sœur et sommé d’avouer le rap à notre père.
J’ai, sans trembler, le regard droit dans les yeux de mon père, affirmé que c’était lui qui me l’avait donnée en classe. Il a retourné l’image et a vu la signature derrière. Et il a dit à ma sœur : Daniel a raison c’est bien une image que je lui ai donné en classe, il y a ma signature, regarde ! Malgré les protestations de ma sœur, l’affaire fût terminée.
Depuis ce jour mémorable, j’ai su que des horizons nouveaux s’ouvraient devant moi et que pendant ma scolarité future, malgré la présence d’un quelconque carnet de liaison, je pourrais vivre mes conneries avec une certaine tranquillité d’esprit. Et même si je me faisais pincer pour des bricoles tant que cela n’aboutissait pas à une annotation sur le bulletin scolaire trimestriel, je pouvais passer entre les gouttes grâce à mes facultés de faussaire.
Et c’est pourquoi j’ai bien aimé cette première rentrée au lycée 😉