Atelier du Hérisson du 11 janvier 2023
Thème : ?
Ce matin, j’ai besoin d’une bonne douche, je pue ! Comme hier, avant hier, et tous ces putains de matin depuis que la comète Mira a percuté notre planète ! Cette nuit a été encore pire que les nuits précédentes. Il n’y a plus un seul bâtiment debout et les survivants s’abritent comme ils peuvent, sous des tôles, sous des morceaux de toit, sous quelques bâches que nous avons pu récupérer dans le dépôt du magasin de bricolage détruit.
La poussière et les cendres poussées par les vents violents et chauds s’infiltrent partout, sous nos vêtements, dans nos cheveux et probablement aussi dans nos poumons, il suffit d’entendre les enfants tousser à en perdre l’haleine tous les matins.
Le plus difficile, c’est de trouver de l’eau. Pas pour se laver bien sûr, mais simplement pour boire. On peut puer quand on est vivant, après, même si c’est pire, on s’en fout !
Le ciel est gris des cendres provoquées par l’incendie gigantesque qui a tout consumé sur le continent. Cette information nous est parvenue sur la radio de secours qui est notre seul lien avec les autres survivants. Mais l’air est trop chaud et trop sec pour que des nuages se forment et que la pluie puisse enfin tomber.
L’eau de surface est complètement polluée et probablement radioactive et de toutes les façons totalement imbuvable. Il faudrait la filtrer avec des filtres spéciaux que nous n’avons pas et de toutes façons nous n’avons ni pompe ni énergie pour les faire fonctionner. Alors la seule solution c’est de creuser un puits !
Nous creusons depuis près d’un mois et il ne reste presque plus d’eau Cristalline en bouteille dans le stock que nous avons récupéré dans les décombres d’Intermarché. L’équipe progresse malgré un premier éboulement qui a tué deux de nos camarades. Nous avons réussi à atteindre vingt mètres de profondeur.
Nous ne pouvons pas creuser plus d’une heure chacun. Avec cette température, l’effort est surhumain. En haut du puits, il faut remonter les terres et roches creusées pour les évacuer et ce n’est pas non plus des vacances, mais on respire mieux !
Bonjour l’odeur au fond du puits avec tous ces corps transpirants depuis un mois sans avoir pu se décrasser ! On espère tous être les premiers à pouvoir profiter de l’eau du puits mais plus le temps passe et plus notre moral s’effondre.
Mathias, le vieux géologue qui se prétend sourcier, nous a dit que l’eau devrait se trouver d’ici une dizaine de mètres. Mais ce n’est pas lui qui creuse ! Demain est un autre jour qu’ils disaient. Peut être, mais cela ressemble à un jour sans fin ! Ou plutôt à un jour qui se répète jusqu’à une fin inexorable et sans espoir…
Ce matin j’ai besoin d’une douche, comme tous les jours précédents ! Mais ce matin j’ai un peu plus d’espoir. Hier quand nous avons arrêté de creuser à la nuit tombée, j’ai senti une odeur différente malgré la puanteur qui règne au fond du puits. J’ai senti une odeur de terre, celle que l’on sent après une petite pluie de printemps. C’est la magnifique odeur de la vie qui renaît. Espoir donc.
Nous sommes arrivés à une profondeur de 32 mètres et David et moi sommes descendus en bas avec l’échelle de corde, ce n’est pas facile. À tour de rôle, un de nous est à la barre à mine et l’autre, avec la pelle, enlève les gravats et remplit le seau. Nous changeons régulièrement car les gestes ne sont pas les mêmes et ce ne sont pas les mêmes muscles. Finalement cela nous repose mais il fait toujours cette chaleur infernale.
L’odeur de terre humide est nettement plus sensible qu’hier et lors de notre troisième rotation, l’avant dernière de la journée j’ai aperçu comme une zone brillante à l’endroit où j’avais retiré les gravats, les cailloux et la terre avec ma pelle. Et petit à petit le trou s’est rempli ! Le vieux ne s’était pas trompé !
Je dois vous avouer la frénésie qui nous a pris tous les deux ! Malgré notre harassment, nous avons réussi à enlever plus d’un mètre cube de terre et de gravats en très peu de temps. Possible aussi qu’avec l’eau qui suintait c’était plus facile mais au bout d’une heure, nous en avions jusqu’aux genoux.
Il était temps d’arrêter de creuser et nous sommes remontés au sommet du puits à toute vitesse comme si nous étions encore frais et dispo du matin.
Les tests sont formels, l’eau est potable bien qu’elle soit un peu trouble encore. Nous avons commencé à remonter de l’eau avec les seaux et rempli une citerne IBC qui était encore intacte, mais demain nous installerons une pompe manuelle avant de trouver une meilleure solution avec une électrique et des panneaux solaires que nous avons récupérés sur le toit de Mr Bricolage.
Demain sera un autre jour.
Ce matin j’ai besoin d’une bonne douche, et je vais la prendre !