Atelier pique-nique-écriture du Hérisson au Salagou, 3 sept. 2023
Consigne :
Vous êtes avec Scarlett Johansson ou Brad Pitt suivant vos préférences sexuelles. Racontez vos fantasmes.
Mots imposés : Cadillac, GPS, microphone, dentifrice, citerne, rêve, titanesque, caméra de surveillance, horloge, orang-outan.
Scarlett
Scarlett n’est pas une vraie libertine mais elle n’est pas non plus du genre à n’avoir besoin que d’un seul amant. Je la vois tous les trois mois quand elle vient faire son test HIV au labo PathMD sur Beverly blvd. J’y bosse depuis deux ans maintenant et quand elle arrive dans sa superbe Cadillac rouge, je suis devant sa porte pour prendre ses clés et aller la garer dans le parking derrière le bloc, comme je le fais chaque jour pour tout client qui le demande.
Mais quand elle me donne ses clés, au simple contact de nos regards et de nos mains, je vois bien chaque fois que je ne la laisse pas indifférente. J’ai un sixième sens pour cela mais avec MeToo, je n’ose faire le moindre geste qu’elle pourrait mal interpréter. Cela peut vite devenir un enfer ici à Los Angeles et je suis bien trop timide pour lui dire simplement qu’elle me plaît.
La supériorité de l’homme sur la femme et les initiatives qui nous incombaient de par cette prérogative, c’est de l’histoire ancienne en ce troisième millénaire. Soit nous nous castrons mentalement, soit nous sommes d’office coupable d’agression sexuelle et bon pour la mise en examen ! Remarquez, si le but est de réduire drastiquement la population humaine à un million de personnes pour sauver la planète, cela va vite devenir efficace !
Comme je savais qu’elle avait rendez-vous aujourd’hui, j’ai acheté hier une eau de toilette et un dentifrice au goût de pêche. La dernière fois que Scarlett est venue, j’ai senti que son parfum avait cette fragrance. Autant mettre tous les atouts de mon côté. Les phéromones ont un rôle important dans l’attirance entre un homme et une femme. Notre côté animal est toujours bien présent, même si nous avons tendance à le nier.
Je suis debout devant la porte du labo depuis plus d’une heure. Elle arrive ! Je tremble. Elle est vraiment très belle, comme un ange dans un rêve éveillé. Désirable à la folie ! Une émotion titanesque me paralyse. Je m’efforce de surmonter mon trouble et je réussis à ouvrir la porte de la Cadillac. Elle me sourit, me dit « merci Johan » et me tend ses clés en frôlant longuement ma main. Je suis tétanisé !
Sa jupe est très courte et j’ai le temps d’apercevoir qu’elle ne porte rien en dessous quand elle pose son pied sur l’asphalte. Elle a vu où s’était porté mon regard et me sourit davantage !
Debout devant moi, elle redresse ses épaules et me présente sa poitrine comme une offrande tout en ne me quittant pas du regard. Elle s’amuse à m’ensorceler et vois bien que je suis pris au piège ! Je l’aime à la folie !
Je la regarde monter les escaliers. Elle exagère le balancement de son corps, puis se retourne un instant, toujours en me souriant, pour voir si je la suis bien du regard. Je me rends compte seulement à cet instant que mon sexe n’est pas resté inactif lui non plus depuis que Scarlett est apparue ! Sa turgescence se voit terriblement en travers de mon jean serré !
Je me précipite dans la voiture. Il faut que je me calme.
Je n’en peux plus ! Je dois faire le premier pas, c’est ce qu’elle m’a fait comprendre, n’est-ce pas ? Je vais aller chez elle ce soir. Je fouille dans le GPS de sa voiture et je trouve son adresse. Avec la clé de sa voiture, il y a aussi le bip qui ouvre probablement la porte de son garage.
J’ai une idée. J’ai un pote geek, un peu pirate, qui fait des copies de bip dans sa boutique de clés tout près d’ici. J’ai trente minutes devant moi. Je gare la Cadillac dans le parking et je file à sa boutique.
Je suis à peine de retour que la réceptionniste du labo m’appelle au microphone sur mon talkie et me demande de ramener la voiture de Scarlett. De nouveau elle touche ma main avec insistance mais je ne peux pas bouger. Mon cœur bat à 180. Il tape si fort dans ma poitrine que je suis sûr qu’elle l’entend. Elle me sourit encore davantage, comme une invitation à poursuivre puis elle part en me faisant un petit signe amical de la main. Je reste là comme un con, raide, planté au milieu de la rue.
Je vois que Sarah, la réceptionniste, se marre derrière son comptoir en me voyant ainsi immobile. Nous avons été amants quelques mois auparavant mais maintenant c’est fini. On est toujours bon copain, il nous arrive encore les soirs de blues de remettre le couvert, par thérapie en quelque sorte, mais le cœur n’y est plus. L’amitié ne suffit pas pour le sexe régulier, il faut aussi un peu d’amour.
Sarah, quand j’arrive près d’elle dans le hall du labo me dit :
– Putain, j’ai vu d’ici que tu as eu une sacrée barre aussi bien à l’aller qu’au retour, c’est une vraie bombe cette pétasse. Moi je ne te fais plus cet effet, mon salop, puis elle reprend son rire explosif, les larmes plein les yeux !
Je suis sûr qu’avec ses larmes de rire elle a aussi laissé quelques gouttes dans sa culotte comme à chaque fois, ou plutôt je devrais dire dans un de ses mini-string en dentelle rouge qu’elle porte toujours au boulot. Bien fait pour elle. Je ne lui réponds pas et je file. Mon service est fini depuis plus d’une demi-heure, je n’ai fait des heures supp que pour Scarlett.
Je récupère ma caisse dans le parking de derrière le labo et je prends la direction du domicile de Scarlett vers Bel Air. Un putain de camion citerne bloque la rue et les flics de Los Angeles ne font rien, comme d’habitude. Des fainéants payés avec nos taxes à ne rien foutre. Par contre, pour flinguer les innocents, ce sont des rapides !
Je mets plus d’une heure pour parvenir devant chez elle mais cela n’a en fait aucune importance. Comme il y a plusieurs caméras sur le devant de la villa, par prudence , je vais attendre dans la voiture qu’il fasse nuit. Ensuite je me glisserai dans l’ombre avec ma capuche sur la tête jusqu’à son garage situé sur le côté de la bâtisse. La porte n’a pas de caméra de surveillance d’après ce que j’ai pu observer.
Je pense à Scarlett, j’imagine ce que je vais lui dire, ce que nous allons faire ensemble et de nouveau j’ai une brutale érection. Calmos Johan, ce n’est pas encore l’heure !
L’horloge du Blue plate taco que j’aperçois au loin vient de passer sur 22h. Il fait maintenant totalement nuit. La lumière dans la maison n’est allumée que dans ce qu’il me semble être la cuisine et je vois passer de temps en temps, par transparence derrière les voilages, la fine silhouette de Scarlett.
Elle est seule. J’y vais.
La copie du bip que ce vieux brigand de hacker a réalisé fonctionne parfaitement. La porte se soulève. Je me glisse à l’intérieur du garage et j’appuie de nouveau sur le bip pour la faire redescendre. Au fond à droite, derrière la Cadillac, il y a une porte sans caméra ni alarme apparente. Les gens oublient de verrouiller la plupart du temps les portes intermédiaires entre dépendance et maison. À quoi cela leur sert d’avoir des sécurité de ouf sur la porte d’entrée et être négligeant sur l’arrière ?
Je croise les doigts. J’espère que celle-ci n’est pas bloquée. De toutes les façons, je n’ai pas de crochet pour l’ouvrir. Je m’en remets au destin, ou à la chance…
Elle s’ouvre !
Je me glisse dans le couloir. J’entends des bruits de vaisselle. Scarlett doit probablement être en train de la faire. Peut-être est-elle nue et ne porte qu’un unique tablier sur le devant ? À cette image mentale mon sexe se met de nouveau au garde à vous. Relax Johan. Je passe devant une première chambre dont la porte est entrouverte.
Un énorme orang-outan en peluche assis sur une chaise d’enfant me dévisage d’un air sévère. J’ai comme un flash et je me rends compte que je me suis totalement fourvoyé. Je ne suis pas un invité désiré mais un intrus qui va faire la plus énorme connerie de sa vie. Au même moment, j’aperçois derrière la porte un lit de bébé avec dedans un adorable bambin allongé et endormi. L’effet est immédiat, l’escargot rentre dans sa coquille, pire qu’une douche froide…
« UKRAINE , DE NOUVEAUX MISSILES sont tombés cette nuit sur Odessa. Il y a deux morts et une dizaine de blessés »… Alexa vient d’allumer KCBS et la lumière de la chambre comme tous les matins en semaine. 6h10 déjà, il faudrait que je me lève maintenant pour avoir le temps de prendre une douche sinon avec les 45 minutes de trajet, je ne serai jamais à l’heure au labo. Et c’est en fin d’après-midi que Scarlett vient faire son test HIV !
Finalement je vais rester au lit. Trop de risques de perdre le contrôle aujourd’hui. Et j’ai besoin de ce job pour payer mon loyer. Je préfère perdre une journée que de le perdre. J’appelle Sarah et je lui dit de prévenir le labo que je suis malade. Elle me promet de venir prendre de mes nouvelles ce soir. Tu parles, ce ne sont pas de mes nouvelles qu’elle veut !
Putain de rêve à la con quand même ! Et si encore j’avais su comment il finissait, une super aventure torride avec Scarlett ou bien l’enfer de la prison de Pélican Bay, je me sentirai probablement moins mal qu’en ce moment.
Je ferme les yeux. Je vais essayer de reprendre le cours de ce rêve..